Depuis la naissance de Belynne, Casus a changé.
Certes, pas beaucoup, mais c'est déjà un premier pas, faut pas trop en
demander non plus. Ce matin, il m'a suprise en m'embrassant comme un
malade. C'était limite "jtebasculesurlatable". Remarquez, j'aurais pas
été contre, mais Belynne s'est mise à gueuler parce que sa couche
s'était miraculeusement remplie de choses pas belles. Alors il a fallu
y aller, sans quoi elle nous aurait brisé les tympans. Faut dire
qu'elle est comme moi, la petite, elle a un sacré coffre et quand elle
l'ouvre, elle en sort, des décibels ! J'ai bien évidemment demandé à
Casus de m'aider (pensez donc, c'était la première fois que j'avais un
gosse, alors forcément, les changements de couches étaient toujours un
peu délicats), mais ce brave homme qu'est mon fiancé n'a rien trouvé de
mieux que de dire :
- Faut que j'aille entraîner mon charisme si je veux espérer avoir une promotion !
Je lui aurais bien coller les deux oreilles
par-dessus la tête mais il était déjà parti. Et devinez qui s'est
occupé de Belynne ? Et bah c'est Bibi, comme toujours... Père indigne,
va !
Furieuse par le comportement de Casus à chaque
fois qu'il faut changer les couches, donner le biberon ou donner le
bain, j'ai décidé que j'allais le laisser seul avec la gamine, toute la
journée ! J'ai donc appellé mon supérieur pour lui dire qu'aujourd'hui,
je me rendrais à la base, et j'ai sommé Casus de prendre un congé payé,
chose qu'il a fait en maugréant tout un tas de protestations.
- Tu vas rester tout seul, tranquille, pendant une
journée, c'est pas la mer à boire, que je lui dis. Les biberons sont
déjà prêts et dans le frigo, tu n'auras qu'à les réchauffer un peu mais
vérifie que ça lui brûle pas la gorge ! J'ai mis un nouveau paquet de
couches à côté de la table à langer, tu peux pas le rater.
C'est qu'il serait encore capable de me prendre
une serviette s'il ne trouve pas les couches, et ça j'y tiens pas ! De
belles serviettes blanches, tout en tissu absorbant, faut pas pousser
non plus !
- Oui, mais tu sais que j'ai jamais fait ça, moi,
grogne-t-il, vraiment pas emballé par le travail que je lui ai donné à
faire.
- T'es papa ou non ?
- Ben ouais...
- Alors faut assumer, mon coco. C'est pas toujours
à moi de faire le travail toute seule. Alors tu vas t'occuper de
Belynne et si je la retrouve étendue sur le sol en rentrant, tu iras
goûter au confort du canapé pendant une semaine, c'est clair ?
Faut savoir être ferme, dans la vie...
Je lui ai refait ce coup-là pendant plusieurs
jours. Au début, il n'était pas franchement content, le Casus, mais à
force, il a fini par s'y mettre sérieusement... enfin, quand je dis
sérieusement, c'est un peu beaucoup. Il s'y met, et puis voilà. Au
moins, il sait changer une couche, maintenant. Il m'a pourtant supplié
plusieurs fois de prendre une nounou mais vous me connaissez, je suis
têtue comme une vieille bourrique. Je n'ai pas céder.
Mes coups de gueule ont visiblement porté leurs
fruits car quand je suis rentrée ce soir, la maison était propre (à
l'exception d'un plateau-télé qui trainait, mais ça...), Belynne avait
été changée et dormait comme une bienheureuse.
- Je vois que tu as fait des progrès, mon Casus, lui dis-je.
Et pour ne pas qu'il se vexe (ça se vexe pour un
rien, les Casus), j'enchaine aussitôt sur la promotion que je viens
d'avoir. Contre-espionnage ! Et oui madame, rien que ça ! Casus me
félicite comme il se doit (nan nan, pas de youplaboum, bande
d'obsédés), puis il me dit qu'en fin de compte, c'était une bonne idée
de l'abandonner lâchement pendant quelques jours. Non seulement je suis
montée en grade, mais en plus, Casus prend plaisir à s'occuper de
Belynne.
Les jours passent plus vite que je ne le remarque.
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Belynne. Elle passera au stade de
bambine. D'après ce que j'ai entendu par-ci par-là, ce stade-là est
loin d'être facile. Il parait qu'il y a toute une éducation à faire et
moi, jeune mère qui n'y connait rien, je commence déjà à rigoler vert.
Belynne est devenue sacrément mignonne en grandissant. Quand je dis
mignonne, j'entends par-là jolie, parce qu'elle est pas vraiment calme,
la gamine. S'il y a bien une chose qu'elle a hérité de moi, c'est le
sale caractère. Toute petite-petite, elle gueulait déjà fort, mais
maintenant qu'elle a grandi, je m'attends au pire. Soit elle s'assagie
et elle devient une petite fille adorable, soit elle décide de tout
faire pour nous casser les oreilles !
Et voilà, qu'est-ce que je disais ! Je l'avais
senti venir, celui-là, gros comme une maison. Il est deux heures du
mat', je bosse dans les alentours de sept heures et v'là-t'y pas que
mademoiselle Belynne commence son cirque. Et vas-y que j'te crie à
plein poumons, et vas-y que j'te secoue les barreaux du petit lit. A
côté de moi, Casus se bouche les oreilles avec son oreiller. Ca va,
j'ai compris, c'est à moi de me lever !
C'est marrant mais à peine s'approche-t-on d'elle
que Belynne se calme instantanément en nous regardant l'air de dire :
"c'est pas moi, j'ai rien fait" ! Mais bon sang, Belynne, t'as vu
l'heure qu'il est ? Je dois bosser, moi ! Pfff, comme si elle allait me
répondre. Tout ce qu'elle sait faire maintenant, c'est de me regarder
avec son petit air d'ange effarouché. Et c'est reparti pour un tour :
biberon, popot, coucouche et dodo ! Et moi aussi, dodo, tant qu'à
faire...
Je suis crevée... j'en ai marre... je viens de
rentrer du boulot et il faut maintenant s'occuper de la petite parce
que Môssieur Casus est occupé à augmenter son charisme... encore. Et en
plus, il faut lui apprendre à parler, à la gamine. Faut dire qu'elle
sait déjà marcher, aller sur pot toute seule, lui manque plus que la
parole et ce sera un vrai bébé. Le truc, c'est que ça risque de prendre
du temps, de la faire parler, parce que pour le moment, la seule chose
qu'elle s'obstine à dire (ou plutôt à hurler) c'est :
ouiiiiiiiiinnnnnnnn !!
Ca tombe bien, je suis passée au magasin spécial
en rentrant, et j'ai trouvé ça : ça s'appelle le lait-futé. Il parait
que c'est plein de calcium et de vitamines qui aide à faire travailler
le raisonnement et la mémoire des gosses. Le vendeur m'a affirmé
qu'avec ça, Belynne deviendra rapidement un petit génie ! Moi j'veux
bien, façon j'y crois pas à ces arnaques. Mais comme je suis curieuse,
je prends et je teste. Sitôt son biberon de lait-fûté engouffré, je
demande à Casus s'il veut bien lui apprendre quelques mots le temps que
je m'occupe de la maison (ouais, le ménage made in Casus commence à
bien faire). En revenant de la douche, j'ai la surprise de constater
que... oh ! Elle vient de dire "maman" ! Et... mais elle a dit une
phrase complète ! Seulement, c'est pas le genre de phrase auquel je
m'attendais.
- Allez, répète après moi, dit Casus. Les jupes, c'est pour les filles. Allez, vas-y.
Si avec ça, elle n'a pas envie de mettre des
jupettes quand elle sera en âge de montrer ses jolies jambes, je
comprendrais plus rien !
Après avoir galéré à lui apprendre d'autres mots
que "jupe" et "hauts talons", Casus en a eu marre et a décidé d'aller
s'entraîner un peu. Je le suspecte de faire ça pour plaire aux autres
filles mais quand j'aborde furtivement le sujet, il réplique illico :
- Rho, mais ma bibiche, tu sais bien que tu es la seule qui compte à mes yeux !
C'est bizarre, mais je suis pas très convaincue.
C'est que je commence à bien le connaître, Casus. Après tout, ça
commence a faire un bail qu'on vit ensemble. Je connais bien son
penchant inassouvi pour tout ce qui porte des petites robes, de longues
jambes, des poitrines avantageuses et des cheveux blonds. Mais bon, il
est tellement content de sa répartie que je le laisse faire. Qu'il
aille se crever sur mon parcours du combattant, on verra s'il continue
à faire le fier, après.
Je décide de l'observer par la fenêtre et ma
surprise est complète ! Je trouve qu'il s'en sort bien, pour un
débutant. Je dirais pas qu'il est passé pro, mais il a de la technique,
quand même. Au lieu de sauter bêtement par-dessus le dernier mur (le
plus haut), il exécute une parfaite pirouette qui lui lui faire le tour
sans effort. Et il appelle ça faire du sport ? Mouais, il a vraiment
pas de quoi être fier...