4. Petite Belynne

     Ce soir, Casus est rentré du centre commercial avec un petit cadeau. D'habitude, j'aime beaucoup les cadeaux mais avec Casus, je me méfie. La dernière fois qu'il m'a offert quelque chose, c'était une spatule en bois pour faire la cuisine ! Ce jour-là, j'ai failli la lui faire bouffer, cette spatule. M'enfin bref. Donc je disais qu'il avait une surprise pour moi. Tout content, il arrive vers moi avec un gros paquet dans les bras et me dit joyeusement :

     - C'est pour toi, ma pupuce, j'espère que c'est à ta taille ! Tu devrais aller l'essayer !

     A ma taille ? L'essayer ? Ce serait des fringues que ça ne m'étonnerait pas. Du coup, je fonce dans la chambre, j'essaye et je ressors... Nan mais vraiment, vous avez vu la tête que j'ai, là-dedans ? On dirait Barbie au pays des Sims ! Joli le cadeau. J'aurais préféré une tenue de cow-boy où un pantalon en cuir, mais non. C'que monsieur veut, c'est des jupettes et rien que des jupettes. M'enfin, si cela peut lui permettre d'aller regarder ailleurs moins souvent, autant me sacrifier...

     Je sais pas si la robe rose bonbon qui lui fait cet effet, toujours est-il que sur la lancée, Casus m'a proposé de me fiancer avec lui. J'ai mis environ dix bonnes minutes avant de pouvoir lui répondre "oui", tellement j'étais sous le choc. Non pas que ce soit merveilleux, et patati et patata, c'est juste que venant de Casus, ça a de quoi bloquer le gosier !

     Je suis quand même contente qu'il ait pas attendu trop longtemps. Je me voyais déjà finir ma vie sans personne à mes côtés mais Casus est arrivé (sans se presser, il est vrai). Ce n'est pas un chevalier servant, c'est pas non plus le héros dont je rêvais mais bon, il sait faire les macaronis au fromage, c'est déjà ça. Du coup, je sais pas ce qui me prend, je lui saute dans les bras, comme ça, sans prévenir. Le gars s'y attendait pas, si bien qu'on a failli s'étaler comme deux crêpes sur le parquet ! Et là, la phrase qui tue et qui vous brise ce petit air d'amour qui flotte dans l'air :

     - Athé ! C'est moi ou tu as grossi ?

    Je vous jure que si je ne m'étais pas retenue, je lui aurai déjà caser la tête entre deux meubles en beuglant que c'est pas de la graisse mais du muscle ! Et ouais, j'suis militaire moi, quand même !

     Vous vous rendez compte qu'il a fallu de nombreux essaies avant qu'il trouve la bonne cartouche, le père Casus ? Mais ça y est, le mini-moi est en route. Il aura fallu le temps, le pauvre Casus en a soupé des gala-gala et "viensylàgrandfou" ! Là, il mérite bien neuf mois de vacances... Euh... Neuf mois ? Arg ! Je vais quand même pas me trimballer ce binot proéminent pendant neuf mois ? Nan mais vous rêvez ? Bon sang, déjà qu'au bout de trois mois, j'ai le dos en compote et le caractère en bouillie, alors six mois de plus... Pfff, mais quelle idée j'ai eue, franchement...

     Et bien sûr, pendant que je marche avec une barrique entre les pattes, monsieur Casus m'abandonne à mon sort. Il est tellement content d'avoir ramené le jardin hydropototijesaisplusquoi que je ne le voie plus à la maison. Il reste là, pendant des heures, planter devant ses petites fleurs à qui il parle avec tendresse :

     - Bonjour bonjour, les petites fifilles. Y a du soleil aujourd'hui, on va éteindre la lampe, dans ces cas-là. C'est que vous allez bientôt être grandes...

     Et blablabla, et blablabla, et j'en passe. C'est pas à moi qu'il me parlerait comme ça, et surtout pas depuis que je rentre plus dans ma petite robe rose bonbon qu'il aime tant. Tu m'étonnes, il va attendre bien tranquillement pendant les six mois restant et quand j'aurais enfin retrouvé ma ligne, là il me regardera à nouveau. En attendant, je peux m'étaler comme une tripe dans le salon, en train de hurler de douleur ou de faire semblant de mourir, lui il n'aura d'yeux que pour ses planplantes chéries adorées ! Et ça se prétend fiancé...

     Au bout de huit mois et des brouettes, Casus en avait tellement marre de m'entendre râler dans tous les sens qu'il a enfin daigné relever les yeux de ses plantes pour s'occuper de moi ! Et bien c'est pas trop tôt. Je commençais à dépérir, moi, toute seule dans mon coin.

     - Qu'est-ce qu'il y a ma pupuce, tu as mal au dos ? Tu veux que je te masse ?

     Fallait pas me le proposer si gentiment. Le voilà obligé de me faire un massage d'une plombe. Le dos, les épaules, les bras, les jambes, tout y passe. Il pense être enfin peinard à la fin du massage mais je continue de profiter de ma faiblesse en lui demandant de faire la vaisselle, d'aller voir si le sèche-linge a terminé, de ramasser le livre qui est par terre, de m'amener une tasse de thé citron... Bref, c'est vache, je sais, mais ça fait tellement de bien de se faire servir comme une princesse !

     Aaaaaaaaaaah ! Qu'est-ce que c'est que cette douleur affreuuuuuuuse ! Raaaaaah qu'est-ce que ça fait mal ! Casuuuuuuus ! Le pauvre est alerté par mes cris d'agonie. Il rapplique au triple galop et reste planté là comme un idiot en se demandant ce qu'il va bien pouvoir faire.

     - Mais tu pourrais pas m'aider, espèce de triple buse ! je gueule. Nom d'un chien de nom d'un Sim ! Reste là, trouillard ! Et que j'te voie pas te débiner sans quoi t'auras à faire à moi !

     Casus ne sait même plus où donner de la tête. D'un côté il a sa fiancée sur le point d'accoucher, et de l'autre, il a sa folle envie d'aller voir ailleur ce qui s'y passe !

     Et après je ne sais combien de temps de beuglante et de cassage d'oreilles (faut dire que j'ai du coffre), voici enfin la fin du calvaire. Casus crie à son tour en découvrant ce que j'ai dans les bras.

     - Cékoikessa ? bredouille-t-il comme une andouille.

     - C'est ta fille, imbécile. Regarde-moi ça, comme elle est ch'tit mimi. Bonjour bonjour, la petite pupuce à sa môman ! Comment qu'on va t'appeller, hein ? Oh, je sais ! Belynne, c'est joli ça, non ?

     - Bequoi ?

     - Et bien c'est parfait, je reprends. Ce sera Belynne. Belynne Jones...

     Ouais, Belynne Jones. Y a pas à dire, ça en jette !